Le coeur transpercé

,Jeudi 25 janvier 1951. Dans ma chambre, le soir.

L’ange me dit : « La Sainte Vierge demande de bien prier pour les pécheurs, pour tous les adversaires de la foi et pour la paix. Maintenant, regarde à ta droite. »
J’ai regardé et j’ai vu un cœur percé d’un poignard. Il me dit : « Le cœur est le cœur de la Sainte Vierge, et le poignard, la souffrance qu’elle éprouve en voyant que les croyants ne pensent pas assez à leurs frères. »

Dans un entretien [1], Marguerite explique qu’elle a vu « un cœur, on aurait dit qu’on pourrait le prendre. Un cœur de chair. Avec un poignard au travers… Oui, c’est frappant. »

Coeur transperce

La liturgie (romaine) de la messe votive « Le cœur Immaculé de Marie » [2] nous guide :

« Seigneur notre Dieu,
tu as fait du Cœur immaculé de la Vierge Marie
la demeure de ta Parole et le sanctuaire de ton Esprit Saint ;
Accorde-nous un cœur pur et docile,
pour que, sur le chemin de tes commandements,
nous soyons fidèles à t’aimer par-dessus tout

et à nous soucier des besoins de nos frères.

Par Jésus Christ. » (Prière)

« Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire […]
Car tu as donné à la Vierge Marie un cœur sage et docile

pour qu’elle accomplisse parfaitement ta volonté ;

un cœur nouveau et doux, où tu pourrais graver la loi de l’Alliance nouvelle ;

un cœur simple et pur, pour qu’elle puisse concevoir ton Fils en sa virginité

et te voir à jamais ; un cœur ferme et vigilant

pour supporter sans faiblir l’épée de douleur

et attendre avec foi la résurrection de ton Fils. » (Préface)

On rapporte que lorsque des personnes consacrées à Dieu, mais en état de péché mortel, s’approchaient de Sainte Catherine de Sienne, elle voyait leurs péchés et en éprouvait une telle nausée qu’elle était obligée de détourner la tête.

A plus forte raison la Sainte Vierge voyait le péché dans les âmes coupables comme nous voyons, nous, des plaies purulentes dans un corps malade. Or la plénitude de grâce et de charité qui n’avait cessé de grandir en elle depuis son immaculée conception, augmentait proportionnellement en son coeur sa capacité de souffrir du plus grand des maux.

On en souffre en effet d’autant plus qu’on aime davantage Dieu, souverain Bien, que le péché offense, et les âmes que le péché mortel détourne de leur fin dernière et rend dignes d’une mort éternelle. Surtout Marie vit le paroxysme de la haine contre Celui qui est la Lumière, la Bonté même et l’Auteur du salut.

Elle l’avait miraculeusement conçu, elle l’aimait avec un cœur de Vierge, le plus pur, le plus tendre, le plus riche de charité qui fut jamais, après le cœur même du Sauveur.

Elle saisissait incomparablement mieux que nous la raison supérieure du crucifiement: la rédemption des âmes pécheresses ; et au même moment elle devenait plus profondément que jamais la mère spirituelle des ces âmes à sauver.

Si Abraham a héroïquement souffert en s’apprêtant à immoler son fils, ce ne fut que pendant quelques heures et un ange descendit du ciel pour empêcher l’immolation d’Isaac. Au contraire depuis les paroles du vieillard Siméon Marie ne cessa d’offrir celui qui devait être Prêtre et victime et de s’offrir avec lui.

Cette oblation douloureuse dura des années et si un ange descendit du ciel pour arrêter l’immolation d’Isaac, nul ne descendit pour empêcher celle de Jésus. D’où l’invocation « Coeur douloureux et immaculé de Marie, priez pour nous ».

Le pape saint Jean Paul II nous explique : « Au même moment, Syméon s’adresse aussi à Marie en disant: "Vois! Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction - afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs" ; et il ajoute en s’adressant directement à Marie: "Et toi-même, une épée te transpercera l’âme!" » (Lc 2,34-35). Les paroles de Syméon mettent dans une nouvelle lumière l’annonce que Marie a entendue de l’ange: Jésus est le Sauveur, il est "lumière pour éclairer" les hommes. N’est-ce pas cela qui a été manifesté, en quelque sorte, la nuit de Noël, quand les bergers sont venus à l’étable (cf. Lc 2,8-20) ? N’est-ce pas cela qui devait être manifesté davantage encore lorsque vinrent des Mages d’Orient (cf. Mt 2,1-12) ? Cependant, dès le début de sa vie, le Fils de Marie, et sa Mère avec lui, éprouveront aussi en eux-mêmes la vérité des autres paroles de Syméon : "Un signe en butte à la contradiction"(Lc 2,34). Ce que dit Syméon apparaît comme une seconde annonce faite à Marie, car il lui montre la dimension historique concrète dans laquelle son Fils accomplira sa mission: dans l’incompréhension et dans la souffrance »[3].

L’apparition de la Salette (apparition reconnue, France 1846) l’exprimait ainsi : « Depuis que le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse pour vous autres, et vous n’en faites aucun cas ! »

Le message de Tournai donne une dimension historique très particulière à cette souffrance du cœur de Marie : le fait que « les croyants ne pensent pas assez à leurs frères ».

Ce sont les chrétiens, les croyants, qui font ici souffrir Marie. Autrement dit, c’est l’infidélité des chrétiens, c’est la tiédeur de l’Eglise, c’est l’égoïsme des croyants qui fait souffrir aujourd’hui Marie.

En ce 25 janvier 1951, Marie demande de « penser à nos frères » : penser pour prier et pour agir. Il est difficile d'aider le prochain quand il est pécheur. Jésus veut que notre cœur soit attentif aux autres, et que nous soyons remplis de pureté, comme le cœur immaculé de Marie.

 

[1] Cf. Entretien avec Marguerite, Jeudi 19 juillet 2012 à 17h 35 (document sonore)
[2] Congrégation pour le culte divin, Messes en l’honneur de la Vierge Marie, N° 28, Desclée Mame 1988, p. 192-197
[3] Jean Paul II, Redemptoris Mater § 16